RPS et Télétravail : Alerte, les 5 signaux que vos équipes vont mal !

RPS et Télétravail : Alerte, les 5 signaux que vos équipes vont mal !

Les chiffres publiés sur la santé au travail en 2021 sont inquiétants.

Il y a quinze ans de cela, Frédérique l’épouse de mon meilleur ami se suicidait au travail. Il m’aura fallu du temps pour être en mesure d’écrire ces mots dans un « papier » professionnel, du temps pour dépasser la tristesse et une forme de culpabilité de ce que nous aurions pu faire, de ce que j’aurai pu faire.

En posture de conseil et de formation, « servir » aujourd’hui, c’est essayer d’être utile pour mieux observer, mieux comprendre les situations, les contextes ; Rappeler que ce n’est pas un sujet de management comme les autres. Les atteintes irréversibles s’appellent « incapacité permanente », « mortalité prématurée » et « suicide ».

L’obligation de résultat (même atténuée par la cour de cassation en 2015) faite aux entreprises de prévenir la santé au travail nous oblige à nous questionner sur cette révolution organisationnelle que représente le télétravail.

Voici l'histoire d’Antoine, Manager d'une équipe dans un service juridique...

Antoine est actuellement arrêté en Burn out.

« Je ne l’ai pas vu venir », ce sont ces mots. Que s'est-il passé dans sa vie professionnelle et personnelle ?

Revenons quelques mois en arrière lorsque l’entreprise d’Assurance dans laquelle il travaille décide de passer au télétravail pendant la crise du COVID-19.

 

Nous sommes en avril 2020 et comme beaucoup, son entreprise passe au télétravail dans l’urgence de la crise COVID-19. Antoine a pris son poste il y a 6 mois et l’ambiance avec l’équipe est bonne.

Son installation en télétravail est plutôt confortable. Son épouse exerce un métier dans le domaine de la santé. Cela l’inquiète car malheureusement pour elle pas de télétravail possible, et elle doit gérer un risque covid important.

Seul à la maison la journée, il a une pièce dédiée pour le télétravail, il installe son bureau avec vue sur le jardin, plutôt sympa !

Il prend en main les outils à distance, son poste est 100% « télétravaillable ». Il découvre la communication à distance et commence à réaliser qu’il n’est pas facile de trouver le bon dosage entre trop de communication et pas assez.

Ne connaissant pas encore bien l’équipe, il a de bonnes mais aussi de mauvaises surprises sur l’autonomie de certains de ses collaborateurs.

De fait il renforce la surveillance, et exige des rendez-vous réguliers en Visio ; un processus plutôt chronophage pour lui. Si certains collaborateurs apprécient d’autres se sentent un peu fliqués mais obtempèrent malgré tout.

Autres conséquences il n’a plus le temps en journée de gérer ses reporting et un gros dossier de transfert d’activité sur un autre outil.

Petit à petit Antoine termine un peu plus tard le soir, vers 18h00 puis 19h00 puis 20 heures. Antoine aime son travail, donc cela ne lui pèse pas de travailler.

Au fil des semaines, certaines réunions collectives se sont mal passées, car les rendez-vous hebdo obligatoires en VISIO ont clivé le groupe entre ceux qui apprécient et les autres. Les communications sont un peu tendues, chaque groupe reprochant à l’autre sa position.

 

Il met en place un espace de régulation sur l’appli WhatsApp. Et ça marche plutôt pas mal !

Petit à petit sa vie professionnelle s'est invitée de manière permanente à son domicile. Le trajet travail-domicile de 30 minutes, n’existe plus. Le sas de décompression a disparu. Après 18 heures, Antoine pense à des sujets qu'il doit traiter.

Dans le monde d'avant il se serait dit « il faut que je pense à faire ceci ou cela demain matin » mais maintenant il suffit à Antoine de faire un mètre et le voilà à nouveau sur son ordinateur professionnel et plutôt que de remettre à demain il décide de faire maintenant ce petit travail qui ne va pas lui prendre plus de quinze minutes.

Puis un autre sujet s’invite, le temps d’une pause sur la terrasse, il est déjà 21 heures. Petit à petit Antoine va décaler ses horaires de dîner jusqu’à ne plus avoir vraiment d’horaire.

Certains de ses collaborateurs ont d’ailleurs noté qu’il était plus « disponible » sur le groupe WhatsApp, le soir. Du coup, un groupe plutôt impliqué de ses collaborateurs prennent l’habitude de « faire un petit point » dans la soirée.

 

Étant seul, la journée il n’a plus véritablement d'heure de déjeuner, d'ailleurs souvent il ne déjeune pas.

Le soir, il est heureux de retrouver son amie qui rentre tard. C’est chouette car c’est justement le moment où il a besoin de se détendre et de faire un break. Même s’il est tard, ils en profitent pour faire un petit apéro. Parfois, ils dinent à 22 heures voire 23 heures.

 

Quelques mois passent.

 

La fatigue du travail tardif, un peu d’alcool et ces longues journées finissent par influer sur son sommeil. Il se couche de plus en plus tard. Il commence maintenant à avoir des insomnies. Il ne s’endort guère avant 3h00 du matin.

Évidemment les levers commencent à être difficile. Il se réveille fréquemment à 09h25 pour démarrer une réunion à 9h30. Traitant lui-même des dossiers, il a commis deux erreurs importantes sur des dossiers sensibles, et son leadership commence à être remise en cause.

Lors des réunions à distance sa légitimité est maintenant remise en cause par des collaborateurs. Certains collaborateurs s’en prennent directement à lui.

La fatigue physique et la charge émotionnelle commencent à peser. Antoine répond violemment à ses collaborateurs à qui il reproche leur manque d'implication, dans une crise où il estime que l’équipe devrait au contraire faire preuve de solidarité.  

Voulant calmer le jeu avec ses équipes, il relâche un peu la pression et met en place des réunions plus participatives. Tout sujet devient un sujet d’opinion qui s’éternise. Il n’y a plus que les leaders qui parlent. Les autres se taisent.

 

Nous voilà le 27 juin 2021. Antoine doit s'entretenir avec Clothilde, une responsable juridique senior. Elle n’est pas facile avec lui Antoine n'a dormi que trois heures il se sent très fatigué en prenant l’appel, alors qu'il est seulement réveillé depuis cinq minutes.

L'échange commence, Antoine ne réussit pas à se concentrer il n'arrive pas à écouter ce que lui dit Clothilde ce matin. Il est comme hypnotisé par les sons qu'il entend, il voit les lèvres de Clothilde qui bougent mais les sons ne forment pas des mots. Il essaie à deux reprises de construire un discours mais l’énergie lui manque. IL s’interrompt. Il est pris d'une immense envie de pleurer. Il demande à Clothilde, la possibilité de reporter le rendez-vous de 24 heures.

 

Antoine est arrêté depuis le 28 juin 2021.

 

L’hybridation du travail, les conséquences d’une bombe en matière de santé et de santé mentale.

Alors que 95% des personnes sont favorables à au moins un jour de télétravail, les chiffres colletés par Santé Public France sont inquiétants.

Voici les chiffres publiés avant l’été,

  • 20 % des Français souffrent d’un état dépressif. Niveau élevé, + 10 points par rapport au niveau hors épidémie COVID
  • 21 % des Français souffrent d’un état anxieux. Niveau élevé, + 7,5 points par rapport au niveau hors épidémie.
  • 65 % des Français déclarent des problèmes de sommeil au cours des 8 derniers jours. Niveau élevé, + 16 points par rapport au niveau hors épidémie, tendance stable.
  • 9 % des Français ont eu des pensées suicidaires au cours de l’année. Niveau élevé, + 4 points par rapport au niveau hors épidémie, tendance stable

Les Risques Psychosociaux ont souvent une causalité multifactorielle, je vous renvoie à la classification du GOLLAC qui organise les risques psychosociaux et qui permet de lancer des plans d’actions dans les organisations.

Si l’on ne peut imputer directement ces résultats au télétravail, l’obligation de résultat faite aux entreprises de prévenir la santé au travail nous oblige à nous questionner.

Cinq signaux comme des appels « au secours »…

Dans un premier temps, centrons-nous sur les appels « au secours » que vous envoie votre organisation. Voici les 5 signaux qui doivent vous alerter sur l’émergence d’un problème de santé au travail dans votre organisation.

1. Les réunions à distance sont devenues un calvaire…

Les managers souffrent et les équipes aussi. Les réunions son descendantes, les caméras sont fréquemment coupées, personne ne participe véritablement, les membres de l’équipe, de l’organisation sont en train de décrocher… les activités manquent de sens. Le stress est croissant, des situations individuelles fragilisées vont aller au « burn out » au « bore out » ou au « Brown out ».

2. La parole ne parvient pas à se libérer facilement…

A peine 60 % des Français indiquent que lorsqu'ils ont un problème professionnel ils en parlent à leur supérieur. Ils sont plus de 80 % en Finlande.

66 % des salariés français sont d'accord avec l'affirmation "lorsque l'on dit ce que l'on pense, cela permet de trouver une solution". Au Brésil, en Finlande, en Russie, en Chine, ils sont à plus de 80 %.

Le non-dit devient plus important que ce qui est partagé. Il est temps de changer les choses sur le contenu des échanges.

3. Les valeurs portées par l’appartenance à une équipe sont en chute libre…

Les besoins fondamentaux de socialisation de chacun ont trouvé d’autres activités pour se réaliser, la famille, les copains du club de gym. L’appartenance à un collectif de travail n’est plus une priorité…

Chacun est centré sur ses tâches et ses missions mais ce travail ne remplit plus de fonction en matière de socialisation.

4. Des tensions apparaissent dans les relations sociales…

Des clivages apparaissent plus fortement entre les services, les départements, les personnes.

Des contextes aggravants liées à l’absence de résultats, à une situation d’entreprise difficile créent de la tension dans les relations entre les individus.

5. L’absentéisme augmente de façon globale ou dans certains services…

Un absentéisme en augmentation ou largement supérieur à la moyenne nationale est, la plupart du temps, un indicateur de malaise social de l’entreprise.

Il convient de surveiller particulièrement certains types d’absentéisme

L’absentéisme du vendredi au lundi, celui du mercredi, et enfin celui des vacances solaires.

Les absences régulières, pour raison de santé, en début ou fin de semaine ou lorsque les enfants n’ont pas école peuvent être un indicateur de désinvestissement du travail au profit de la vie extra-professionnelle.

Antoine a été victime de ce que l'on appelle la charge mentale. Il n'a pas réussi à gérer sa vie professionnelle et sa vie personnelle dans le même espace. Rien d’anodin là-dedans.

Vous êtes en responsabilité, l’étape d’après sera de travailler avec des professionnels pour construire votre arbre des causes et un plan de prévention.

Pascal Pilat,
La Persona

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